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Histoire d’un burn-out maternel / La Sainte Mère et le Dragon - Part. III

Dernière mise à jour : 21 févr. 2022

Je vous conseille fortement de lire les articles précédents : Histoire d’un burn-out maternel / La Sainte Mère et le Dragon - Part. I, puis Part. II , avant de vous lancer dans cette lecture !

Ça va ? Bien dormi ? Tu veux quoi ? Chocolat ou jus d'orange ? Céréales ou tartines ?

Ça va ? Bien dormi ? Tu veux ton biberon ? Je te le donne ? T'as fini ? Tu veux un biscuit ?

Tous les matins, je joue la patience, la bienveillance.

T'as fini ton biberon ? T'as rien bu... Faut boire ton lait. Le médecin, il a dit, faut boire ton lait. Tu bois pas assez de lait. Fais un effort. Faut boire ton lait, tu sais. Un petit effort... C'est important le lait pour bien grandir. Non c'est pas beurk, c’est hmmm !... Allez… Pour me faire plaisir... Bon. Tant pis.

Tous les matins, je prends sur moi.

Comment ça tu veux pas de chocolat ? C'est toi qui me l'a demandé ! Non, non t'auras pas de jus d'orange. Tu m'as demandé un chocolat, tu bois ton chocolat. Non. J'ai dit non. Et ben fais ta crise.

Il est à peine 7h30. Je suis exténuée. Les cris sont autant de coups de couteau dans mes oreilles, ma tête, mon cœur.

Je me désincarne, je pars dans ma bulle.

Assise sur le bord du lit, je n’entends plus rien.

Je suis à côté de mes pompes, ailleurs.

Débordée. Dépassée.

J’ai hâte qu’ils soient, l’un à l’école, l’autre chez la nounou, moi dans mon lit.

Ou morts.


C'est le moment où je comprends les tarées qui congèlent leurs gamins.


Et à ceux qui disent que Véronique Courjault a congelé ses gamins par déni de grossesse et que ça n’a rien à voir, je réponds que le burn-out, c’est un peu comme un déni de maternité et que c’est similaire.

Y’a qu’à voir : Andrea Yates / 2001 / noie ses 5 enfants parce qu’elle croit être une mère incapable de s’occuper d’eux correctement.

Geneviève Lhermitte / 2007 / égorge ses 5 enfants parce qu’elle est au bout du rouleau...


C'est le moment – donc – où je comprends les tarées qui congèlent leurs gamins.

C’est le moment où je comprends qu’elles ne sont pas tarées.

Pas plus que moi.

Elles sont juste parties. Ailleurs.

Elles se sont mises en mode automatique.

Sans être vraiment là.

Et elles ont commis l’inacceptable.


Ça n’excuse pas.

Ça explique.

Et ça m’inquiète.


OK. Je me relève du lit. Je continue.

Allez, les dents. Allez, on s’habille.

Je prépare les sacs

– j’aurais dû les faire la veille, je me le dis tous les matins –

L’alarme sonne. C’est l’heure de monter dans la voiture.

Mais on n’y est pas.

On est loin du compte.

Faut laver le nez, le moucher (été comme hiver), prendre les médicaments contre l’allergie, contre le rhume, pour l’immunité, pour la flore intestinale (le deuxième cerveau, faut pas négliger…), enfiler gilets, chaussures, manteaux.

Et l’hiver, c’est pire, y’a les bonnets, les écharpes, les gants…

J’ai opté pour les moufles.

Mais quand même.

Et là, il suffit d'un rien, d'une goutte d'eau. Et ça part.

En général, c’est lié au fait d’être en retard. J’ignore ce que cela me renvoie, mais c’est violent.


Non pas tes bottes de pluie. Tu mets tes chaussures fourrées. Il fait froid. Quand il fait froid, on met ses chaussures fourrées. Si. Les bottes de pluie, c’est quand il pleut. Si. Et ben tant pis, tu iras nu pied à l’école, qu’est-ce que tu veux que je te dise ?


C’est vraiment le matin que c’est le plus difficile.

Parce que tous les matins, c’est moi qui gère.

Mon mari est déjà parti au travail.

A Montargis déjà. Et à Rennes, pareil.

Je suis d’astreinte 7 jours sur 7.

Et le week-end ? Aussi.

Parce que mon mari bosse la semaine.

Il a besoin de dormir.

Le week-end.

Et donc tous les matins, qu’il pleuve, qu’il neige, qu’il vente, je suis sur le pont.

C’est dur.


Le temps.

Le temps m’échappe.

En retard. Encore en retard. Possiblement en retard. Même pas en retard pour de vrai. Juste la possibilité du retard. Encore. Peut-être à l’heure. Mais l’angoisse de ne pas l’être. D’être jugée pour cela. Regardée. Scrutée. Stigmatisée.

D'être une mauvaise mère.

Je regarde l’heure. Tout va bien.

Je regarde l’heure. Ça va le faire.

Je regarde l’heure. Putain.

Je suis en retard.

Merde.

Encore.

Vite. Allez. Plus vite. La colère monte. Je réfrène. Pas tant que ça. Je hurle.

- Putain, tu te dépêches ! Mets tes moufles. Ton bonnet. Mais écoute-moi ! Ton pouce. Dans le trou, allez ! Ton pouce, putain ! Ça te gêne ? M’en fous. Vite. Allez. Dans la voiture. Grimpe ! Allez. Toi aussi. Grimpe. Dans le siège. Allez. Tu t’assoies, putain ! Faut que je t’attache. Mais assieds-toi ! Tant pis, je t’attache pas. Arrête de chouiner. T’avais qu’à t’asseoir plus vite. Maintenant, c’est trop tard. J’y vais. Arrête de chouiner. J’ai plus le temps de t’attacher. Mais ta gueule, putain ! Tu vas la fermer ta gueule ! Vous allez fermer vos gueules tous les deux ! Toi, tu te tais. Ça te fait rire ? Ça te fait rire ?! Je vais te buter, putain. C’est pas possible, je vais te buter. Ça te fait toujours rire ?

Je me gare.

- Tu vas fermer ta putain de gueule ! Arrête de rire.

Sa mâchoire entre mes mains. Je serre. Sa mâchoire. Et la mienne.

- Ca te fait encore rire là ? Là, ça te fait rire, là ? Tu ris encore une fois, une petite fois, j'te laisse là, j’en ai rien à foutre. Ferme ta gueule. Je veux plus vous entendre. Vous aviez qu’à m’écouter.


Comment peut-on en venir à ressentir de telles bouffées d’agressivité - de haine - envers ses propres enfants ?

J’étais dégoûtée de ce que je me voyais devenir et effrayée de ce que je pourrais réellement dire, ou faire, le jour où la colère et l’épuisement auraient fini par saper mes dernières réserves de bon sens et d’amour.


C’est après une énorme crise, comme celle-là, un matin – encore – que j’ai mis le doigt dessus.

Burn-out.

Maternel.

Pas burn-out tout court, ça n’aurait pas eu de sens.

Burn-out maternel.

Epuisement maternel, en français dans le texte.

J’en avais entendu parler. A la radio. A la télé.

Certaines copines m'avaient dit que j'étais en burn-out...

Mais j’avais pas fait le rapprochement.

J'ignore comment j'ai fait pour me voiler la face à ce point mais bon.

Je suis en plein dedans.


C’est cool ! Je ne suis pas folle, je suis juste en burn-out !


A partir de là, c’était déjà 50% du problème qui était réglé.

Pour les 50% restant, je suis allée voir un psy.

En espérant que le dragon se transformera en phœnix.

Mais ça n’a pas suffi.


Bouffée de frustration. J’ai deux choix : hurler ou claquer la porte et m'enfuir.

C’est fou comme cela monte vite et fort. D’ailleurs, je ne le sens pas arriver. Et je deviens autre. Celle que je ne connais pas mais qui est moi quand même. Le dragon.

C’est cette image-là vraiment. Et cette sensation. Je crache du feu. Je hurle tellement fort que je me fais mal.

Pour une comédienne, c'est étrange...

C'est une voix que je ne me donnais pas.

Et après, je pleure. Un peu comme un mari qui battrait sa femme et qui s’excuserait en pleurant. Pathétique. C’est l’impression que ça me donne en tout cas.

C’est un truc tellement fort, tellement décalé et en même temps tellement connecté à une énergie primale, animale, que c’est ingérable. Un incendie avec facteurs d’accélération. Une décharge émotionnelle, verbale, énergétique qui anéantit tout sur son passage.

La peur dans les yeux de mes enfants. Ca c’est terrible. La peur dans leurs yeux.

« Maman, calme-toi… Calme-toi, maman… Maman… »

C’est une tristesse pour tous, une culpabilité pour moi.

Je refuse d’être cette mère-là. Je le refuse mais je le suis. Par instant.

Mais encore bien trop souvent.


Pour sortir de l’absurdité de la situation, il a fallu apprendre.

Apprendre à accepter.


Je m’énerve ? J’accepte. Je trouverai une solution pour faire mieux la prochaine fois.

C’est OK.

Je suis épuisée ? J’accepte. Je vais me reposer. Papa prend le relai. Et je reviens d’aplomb pour la suite de la journée. Si papa est absent, je vais m’allonger. Au bout d’un moment, les enfants voient que je ne réagis pas, ils acceptent aussi. Si impossible de m’allonger, j’accepte de gérer avec la fatigue et inch’allah.

C’est OK.

Je m’ennuie lorsque que je joue aux petites voitures avec mon fils ? J’accepte. Je lui dis. On trouve un autre jeu.

C’est OK.

Les enfants me stressent, m’oppressent, je me sens prisonnière ? J’accepte. Autant que faire se peut. Le matin, c’est plus difficile car le papa est déjà parti au travail. Je suis seule à gérer. Des fois, je crie, je m’énerve… et ben, j’accepte.

C'est OK.

Et puis, des fois, je lutte, je résiste, je veux avoir le pouvoir, je veux gagner la partie, convaincre, avoir raison. Je refuse d’accepter.

Parce que merde, fait chier, font chier, font tous chier.

J’en ai marre, je me casse.


Je fais du mieux que je peux. C’est imparfait. Je tente de lâcher prise là-dessus.

La perfection, c’est intenable même si franchement, j’adorerai avoir une maison super clean, des enfants super sages, et rien qui dépasse.

Maman Barbie.


Comme j’en ai vraiment ras-le-bol de m’énerver le matin – le dragon est moins présent mais il ressort quand même bien trop souvent – j’ai décidé de proposer à mon fils une expérimentation.

On fixe les choses obligatoire à faire : pipi, les mains, les dents, le petit déj’, les habits, le nez. La veille au soir, il dit dans quel ordre il veut les faire. Et le matin, après tout ça, s’il reste du temps, et seulement s’il reste du temps, il peut jouer ou regarder un dessin animé.

Bon, le dessin animé, ça aussi, je voudrais le supprimer. Mais bon. Étape par étape.

Premier jour, pas de problème.

Deuxième jour, pas de problème.

Troisième jour, il est mou. Ca n’avance pas. Ca traîne. Ca prend son temps. Ca procrastine. Ca diverge. Je le préviens qu’il risque de n’avoir ni jeu ni télé. Je le préviens une fois. Deux fois. Trois fois. Plein de fois. Et quinze minutes avant de partir, il n’est toujours pas habillé. Et il réclame un dessin animé. Il chouine. Je sens qu’il va hurler s’il l’a pas.

Alors je lui mets le dessin animé et je pète un câble. Parce que je l’ai prévenu. Parce qu’il se bouge pas les fesses. Parce que j’en ai marre d’anticiper et que personne ne m’écoute. Parce que j’en ai marre qu’on ne suive pas mes conseils.

Et, en fait, pourquoi je m’énerve ? C’était la règle de départ. Si on fait tout le protocole et qu’on a le temps, on peut jouer. Sinon, non. Alors ?

Alors, j’ai déconné ! J’ai pas tenu la règle.

C’est à moi d’être stable dans mes règles !

Putain, c’est hyper dur d’être une maman...


Et puis le confinement est arrivé.





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